Le fonctionnement
Au cours des deux dernières décennies, les refuges sont devenus de plus en plus modernes et confortables au point d'en devenir parfois des hôtels. Ces lieux isolés ont pourtant des contraintes spécifiques, dictées par des altitudes et des environnements qui leurs sont propres, qui définissent en grande partie leurs fonctionnements. D'autres aspects dépendent de choix stratégiques de la part des propriétaires de ces bâtiments ainsi que du gardien de refuge qui possède une marge de manœuvre variable dans la gestion au quotidien.
Voici un tour d'horizon de ce fonctionnement au refuge du Carro.

L'eau
L'été, une résurgence captée 75 mètres en amont du refuge nous permet d'alimenter le refuge en eau, pour l'instant sans trop de difficultés. L'hiver, ce sont les lacs à proximité du refuge qui sont l'unique source d'approvisionnement en eau qui résiste aux températures négatives à cette altitude. Le réseau d'eau général du refuge est mis hors gel, il n'y a ni douches ni lavabos. Une à deux fois par semaine, des tuyaux sont déroulés jusqu'au Lac Noir pour y pomper de l'eau au travers d'un trou préalable creusé dans la neige puis la glace. Cette eau est stockée dans une cuve de 1000 litres au dessus de la cuisine et utilisée avec modération à des fins essentielles : pour boire, cuisiner, faire la vaisselle et le ménage.
L'eau est potabilisée à l'aide de deux filtres et d'une lampe UVC, elle est propre à la consommation été comme hiver. Ainsi, nous avons choisi de ne pas vendre d'eau minérale en bouteille afin de réduire les transports par hélicoptère et les déchets plastiques qui en découlent.
Les eaux usées des sanitaires et de la cuisine sont assainies au travers d'un bac à graisse et de deux bacs de filtration enterrés en aval du refuge puis reversées en contrebas.

L'énergie
Comme beaucoup de lieux isolés de montagne, le refuge du Carro n'est pas raccordé au réseau électrique national. L'électricité est générée grâce à deux sources renouvelables : le soleil et l'eau.
- Des panneaux photovoltaïques, situés devant la terrasse du bâtiment produisent de l'électricité toute l'année en faible quantité à raison de 1 kilowatt maximum et tant que la luminosité est suffisante.
- Une turbine hydro-électrique située 50 mètres en aval des lacs Blanc et Noir produit jusqu'à 3 kilowatts lorsque le débit du torrent le permet et uniquement en été.
C'est cette énergie, tributaire de nombreux facteurs et accumulée dans des batteries, qui garantit un minimum d'électricité été et hiver de jour comme de nuit.
Au refuge du Carro, l'électricité est une ressource précieuse tout autant qu'elle est précaire, et ce plus particulièrement en hiver. La priorité est donnée aux deux congélateurs, au réfrigérateur, à la cuisine, à l'éclairage des parties communes et à la connexion internet sans quoi les réservations ne pourraient nous parvenir. En hiver, l'énergie stockée dans les batteries nous permet d'allumer uniquement un congélateur et la cave, à une température constante de 1 à 3°C, est utilisée comme réfrigérateur naturel.
Enfin, nous sommes équipés d'un générateur à essence que nous utilisons exclusivement en cas d'urgence ou de panne.
Quoi qu'il en soit, pensez bien à vous munir d'une frontale et d'une batterie portable pour rechargez vos appareils électriques personnels.

Le chauffage et la cuisine
L'hiver ou durant les périodes fraiches, le chauffage se fait exclusivement au bois dans un poêle présent dans la salle de vie commune du refuge. Les dortoirs ne sont pas chauffés. Chaque année au mois de septembre, dix stères de bois sont héliportées pour les périodes de gardiennage l'année suivante ainsi que pour le "local hivernal" ouvert le reste de l'année.
Dans tous les refuges de la FFCAM, un supplément chauffage ainsi qu'une redevance de dix euros par nuit et par personne en période hors gardiennage permettent de financer partiellement l'achat et le transport du bois. Son acheminement depuis la route jusqu'au refuge représente une dizaine de rotations d'hélicoptère, c'est autant de rotations que celles nécessaires à l'approvisionnement de l'ensemble des denrées pour nourrir les trois milles personnes accueillies tout au long de l'année.
La cuisine est majoritairement faite au gaz. L'hiver, une cuisinière à bois permet de réaliser des cuissons longues, trois heures pour la polenta traditionnelle, tout en réchauffant l'espace de travail du gardien.

Les sanitaires
Le refuge est équipé de deux toilettes sèches installées à l'intérieur du bâtiment. D'un point de vue fonctionnel, les matières solides sont séparées des matières liquides à l'aide d'un tapis roulant actionné par une pédale. Les fèces sont accumulées dans des sacs au sous-sol tandis que les urines sont filtrées puis rejetées en aval du refuge. Un tel système permet d'économiser l'eau potable tout en réduisant les besoins en assainissement.
Cependant, l'altitude, le froid et les particularités de ce système datant de 1995 ne permettent pas la dégradation de la matière organique. De plus, une quantité plus importante de matières fécales due à une fréquentation croissante du refuge ajoute une contrainte considérable sur le temps de séchage de celles-ci. Cela demande une maintenance régulière de la part des gardiens sous forme de débourrage des tapis et d'incinération des sacs. Pour garantir de bon fonctionnement des toilettes, il est important de ne pas y jeter de trop grandes quantités de papier hygiénique ni tout autre déchets plastiques ou métaliques.
L'été, deux douches sont mises à disposition des pensionnaires. L'eau n'est pas chauffée.

Les déchets
Pour un refuge isolé ayant recours à l'hélicoptère comme principal moyen de ravitaillement, la production et la gestion des déchets est un enjeu de taille. Au quotidien, nous nous efforçons de réduire notre masse de déchets et de faire le tri consciencieusement. À l'issue de l'année 2023, nous avons accueillis trois milles pensionnaires et produit approximativement cinq cent kilos de déchets à 80% recyclables (verre, plastique et aluminim). C'est à peine plus que ce que génère une personne par année en France et nous pourrions probablement les minimiser davantage.
En pratique, nous choisissons des produits en vrac ou en grande confection, de préférence dans des emballages en papier ou en carton. Nous excluons tous les emballages en mono-portions et tous les pots en verre sont réutilisés pour confectionner des conserves. Nous incitons nos pensionnaires à apporter une boîte pour leurs piques-niques, faute de quoi nous fournissons des emballages biodégradables. Nous ne proposons pas de boissons en cannettes ou en bouteilles plastique, au profit de boissons faites maison à base de plantes déshydratées. Les fûts de bières et les caisses de fruits et légumes sont naturellement ramenés aux producteurs.
En règle générale, tout ce qui monte au refuge doit redescendre. Si redescendre vos propres déchets est essentiel, un petit coup de main pour redescendre les nôtres est toujours apprécié.
Toutes les illustrations présentent sur cette page sont tirées de l'ouvrage "Refuge, on vous donnes les clés" réalisées par Joël Valentin pour le Parc National des Ecrins.